la Colline inspirée

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mardi 2 septembre 2014

section VIEUX BOUQUINS : Noël AMAUDRU 1


Noël  AMAUDRU   1


L'affaire remonte à loin, savez-vous...
Pour le plaisir, voici un texte fondamental, écrit au début du siècle dernier pour opposer Alaise à Alise. L’équation Alésia = Alise imposée par l'Empereur Napoléon III ne satisfaisait pas les esprits exigeants qui s’accommodaient mal des approximations auxquelles obligeait ce choix. Ils s’évertuèrent donc, dès 1855, à la remplacer par quelque autre qui conviendrait mieux.
L’étymologie séduisante Alésia = Alaise, où l’on entendait le son è, quelques trouvailles intéressantes, et la position de la place du « bon côté » de la Saône, en Franche-Comté donc, non plus en Bourgogne, amenèrent à opposer Alise et Alaise. Les doutes fondés qu’exprima Noël Amaudru avant Georges Colomb, ainsi que sa dénonciation de l’écrasante hégémonie qu’exerçait la thèse officielle vis-à-vis des francs-tireurs, ont la vigueur d’une actualité-phénix à l’amère saveur…

« La position actuelle de la question d’Alésia »
                                                                       
(texte scanné par Bernard Gay. Des chiffres entre parenthèses rappellent la pagination du fascicule original)
(3) L’histoire, a dit sagement Renan, est une petite science conjecturale. Peu de grands procès qui ne méritent d’être révisés avec soin et il n’y a pas lieu de s’en étonner si l’on songe que M. Poincaré a démontré avec éclat le caractère relatif de la vérité mathématique elle-même. Tout nous invite donc à être modérés dans nos conclusions sur le passé. Nous ne réussissons pas toujours à obtenir l’adhésion unanime des esprits sur l’interprétation des faits d’hier dont nous avons été les témoins attentifs ; à plus forte raison, devons-nous hésiter à porter un jugement définitif sur des événements qui datent de deux mille ans.
Parmi les opinions de confection qui encombrent encore les manuels scolaires, nulle n’a la vie plus dure que ce qu’on a appelé avec raison « le préjugé d’Alise Sainte-Reine  ». Un comité s’est, cependant, formé à Paris – toute la presse parisienne l’a annoncé – qui s’est donné pour mission de reprendre l’enquête contradictoire ouverte par Quicherat, Stoffel, Delacroix, le duc d’Aumale, Castan etc… et close brusquement par une sentence que d’aucuns pensent avoir été un acte de pure courtisanerie.
Tout d’abord, y a-t-il chose jugée ?  Hélas, je crains bien que la possession d’état dont bénéficie la thèse de (4) l’Alésia auxoise ne repose sur des apparences contestables et n’appelle éternellement la contradiction.
Phénomène surprenant, l’événement qui fut, d’après Ferrero, le point culminant de l’histoire n’a jamais été situé de façon satisfaisante, ou, du moins, indiscutable.
À parler franc, la prescription, cet argument des mauvaises causes, qu’invoquent les avocats d’office d’Alise Sainte-Reine, n’a pas eu un cours très régulier. Alesia fut un nom assez répandu dans l’ancienne Gaule ; il exprimait, soit une particularité locale, soit un appel à la tutelle d’Hercule Alexicacos, les deux opinions peuvent se défendre. On estime à une vingtaine le nombre approximatif des Alésias celtiques. Le célèbre oppidum des Mandubiens a tour à tour été placé, avec des chances de probabilités inégales, à Luxeuil, où l’on montre une inscription en l’honneur de Labiénus, aujourd’hui suspecte ; sur la colline des Avenières, dans le Dauphiné ; à Combes-Julienne, dans les Cévennes ; à Alais (Gard) ; à Alièze dans le Jura, où je crois bien que M. Bérard, l’ancien surintendant des Postes, a tenté de transporter la première défaite de la cavalerie gauloise ; à Novalaise chez les Allobroges ; au Puy de Corrent en Auvergne ; à Alaise (Doubs), où existent, sans nul doute, les traces d’un formidable passage d’hommes et plusieurs agglomérations d’habitations d’origine vénérable, assez bien conservées et mal définies ; à Izernore (Ain). J’en passe…
L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a accepté, dans la séance du 30 novembre 1906, que l’on plaidât  de nouveau à sa barre la cause de l’Alésia du Bugey. De son côté, le ministère de l’Instruction (5) publique a encouragé l’initiative de M. Bérard, champion d’Izernore, par une importante subvention. Enfin la Chambre, dans sa séance du 5 novembre 1907, a repoussé, à la presque unanimité, la proposition de M. Gérard-Varet, député de Semur, tendant à l’allocation d’un crédit de 8, 000 fr. en faveur des fouilles actuelles du Mont-Auxois, reconnues ainsi oiseuses et médiocrement probantes.
Il est vrai que l’honorable représentant des Brannoviens a obtenu, en forme de compensation, que le nom d’Alesia fût inscrit sur la façade de la gare des Laumes et trompetté à tout venant par la voix des chefs d’équipe. Innocente satisfaction accordée à l’orgueil local !
Comme on le voit, l’énigme d’Alésia que seule pourrait sans réplique résoudre la production inespérée d’un texte ancien, d’un livre perdu de Tite-Live par exemple, est loin d’avoir rencontré son Édipe. Devine, si tu peux…
Ajoutons ceci : la Bourgogne, qui use avec si peu de ménagement de la prescription, n’a pas réussi à se mettre d’accord avec elle-même. Elle compte, depuis peu, deux Alésias sur son territoire, trois peut-être. M. Etienne Bonneau, ancien agrégé du Lycée de Mâcon, s’est révélé, en effet, le Christophe Colomb d’une Alésia éduenne, située à Aluze, à l’ouest de Chalon-sur-Saône. Cet humaniste distingué est même allé plus loin, il a soutenu, avec une force de dialectique rare et une rhétorique des plus ornées, que son pays natal avait été le théâtre prédestiné des luttes épiques de César contre les Helvètes et contre la Gaule confédérée. Ces actions mémorables seraient, d’après lui, (6) déterminées par un losange, dont les quatre pointes seraient le village d’Ecutigny, Bibracte-Autun, Aluze et Charmoy, au nord-ouest de Blanzy.
Un autre Bourguignon dissident aurait songé à placer le dernier boulevard de l’indépendance gauloise à Allerey, au bord de la Saône.
Les objections qui s’élèvent contre le Mont Auxois sont connues et le désaccord entre la position d’Alise Sainte-Reine et le texte des Commentaires a été maintes fois souligné. M. le capitaine Paul Azan, de la section historique de l’Etat-Major de l’armée, a formulé les plus essentielles dans une piquante brochure, parue – détail amusant ! – à Semur même, en 1906 : La reprise de la question d’Alesia. Il y exposait, avec infiniment de bonne humeur, les raisons qui l’avaient déterminé, après avoir recueilli la légende classique de la bouche de Stoffel et pris part aux pèlerinages annuels d’Alise Sainte-Reine, à chercher la vérité dans une autre direction.
Aux temps héroïques de la grande polémique de la fin de l’Empire, les principaux champions de la thèse officielle avaient senti la faiblesse d’une argumentation qui commençait par affirmer l’identité d’Alise-Alesia et ne recherchait que subsidiairement l’emplacement du combat de cavalerie préliminaire, premier acte du drame. Ils situaient cette rencontre décisive, suivant les besoins de la cause, sur la Vingeanne avec Napoléon III, à Montbard avec l’inénarrable archiviste Rossignol, entre Tonnerre et Ravière d’après d’Anville, à Périgny avec le commandant Dumesnil, vers Saint-Jean-de-Losne avec le colonel de Coynart, au nord de Châtillon-sur-Seine avec le duc d’Aumale, à Dijon avec Gouget. (7) Cette dernière version a été adoptée par M. Jullian dans sa belle monographie sur Vercingétorix, dont le troisième volume de l’Histoire de la Gaule reproduira, sans doute, les conclusions.
Et voilà qui explique les divergences des Bourguignons sur la date de l’arrivée de César devant Alesia. Chacun a traduit l‘altero die des Commentaires  au gré de sa fantaisie, suivant qu’il avait besoin d’un jour ou de deux pour conduire l’imperator victorieux du champ de bataille incertain au Mont Auxois.
Ces hésitations valent un aveu. Elles se sont accentuées encore quand il s’est agi de caser à Alise les effectifs gaulois avec les réfugiés mandubiens, les nombreux troupeaux, les provisions, les machines, un matériel de guerre considérable. Très honnêtement, les Bourguignons de la vieille école essayèrent de porter de 97 à 150 hectares la surface du Mont-Auxois en utilisant les terrasses extérieures. Ils oubliaient, dans leur ardeur à satisfaire aux données de César, que le général, avec sa décision ordinaire, eût profité de la circonstance pour consommer rapidement sa victoire. Le fait a paru si étonnant à Napoléon Ier qu’il en a conclu à une faute inexplicable du grand capitaine. Puis, le premier effort ayant été donné, Vercingétorix fit rentrer tout son monde dans l’intérieur de la place, in oppidum. Ce détail seul établit l’impossibilité d’enfermer les Gaulois dans les étroites limites indiquées par les débris authentiques de l’oppidum auxois. Alise ne saurait être l’Alésia de César.
M. Jullian a été frappé plus qu’il ne l’a laissé entendre de la force de cette objection car il admet (Vercingétorix, p. 262) que César aurait pu tenter l’escalade. Il (8) se résolut cependant à un blocus gigantesque, par prudence d’abord, par humanité ensuite. César obéissant à une sentimentalité pareille, lui qui, en tant de circonstances, affirma pratiquement, comme devait le faire vingt siècles plus tard M. de Moltke, la nécessité morale de la cruauté dans la guerre !!!  Il n’est guère admissible que le blocus lui fut imposé après examen comme la solution la plus certaine et la moins sanglante. Le texte des Commentaires jure étrangement avec ces atténuations. César reconnut tout de suite Alésia comme inexpugnable… ut nisi obsidione expugnari non posse videretur.
Pour tout observateur non prévenu, l’inspection du Mont-Auxois aboutit au doute. Essayez, si vous aimez les gageures, de m’expliquer comment le triple bastion de Vénarey-Mussy peut être une colline extérieure tout en continuant symétriquement le cercle des collines rivales où campaient les Romains ; comment, pour atteindre la colline du Rhéa où aurait échoué la suprême diversion de Vercassivellaun, les Gaulois de l’armée de secours eurent besoin de guides, durent employer une partie de la nuit à se reposer, fatigués, jusqu’à midi, après une course d’une lieue ; pourquoi César appelle castra superiora des camps qui auraient été au bord de l’Oze ; comment il a pu appliquer aux deux larges vallées de l’Oze et de l’Ozerain l’expression mediocri interjecto spatio, etc., etc…
Lors même que l’authenticité absolue des armes, des médailles et des ustensiles trouvés dans la plaine des Laumes serait rigoureusement établie, les objections stratégiques et topographiques ne perdraient rien de leur valeur contre Alise. Mais est-elle établie ?  L’erreur (9) est aisée en ces matières. Si les champions d’Alaise se sont trompés sur la date de quelques-uns des objets extraits des tombelles de la région, on montre au Musée de Saint-Germain le fameux vase aux myrtes, que des archéologues bourguignons ont cru être la coupe même de César et qui a paru à d’autres provenir d’une fabrique gallo-romaine, un fer à cheval – déjà ! – un lot important de médailles au nom d’un certain Epathnactus, qui ne se trouvait probablement pas au siège d’Alesia et était, d’ailleurs, un obscur gentillâtre arverne, qualifié simplement de nobilis par les Commentaires dans la suite. Critognat, qui est cité au premier plan du septième livre, n’a pas jugé à propos de nous laisser de monnaies.
Ah oui, je sais, il y a le statère d’or de Vercingétorix qui est à Saint-Germain ?  On a trouvé des monnaies de Vercingétorix partout, même à Alaise. Entre nous, j’admire le phénomène unique de ce général qui, dans sa carrière si courte et si mouvementée, prend le temps de battre monnaie, et de laisser ses bas officiers se livrer à ce même sport par manière de distraction.
On a écrit que les sept cents monnaies et médailles que Stoffel sut tirer si opportunément des fossés du pied du Rhéa ou d’ailleurs, avaient en partie disparu des vitrines du Musée de Saint-Germain. Retirées prudemment ou emportées à titre de souvenirs, par quelque amateur doué de plus de discernement que de scrupules ?  Qui sait ?  Si vraiment Alise est Alésia, il faut reprendre les fouilles de 1865 et prouver qu’on trouve sans peine dans les ouvrages militaires et les fossés des Laumes des témoins analogues à ceux qui ont été exhumés si facilement par ordre de l’Empereur.
Mais les estimables tenants du Mont-Auxois se (10) garderont bien de revenir au camp D et de tenter cette épreuve loyale ; ils préfèrent vivre sur une légende confortable et déterrer à grand fracas une Épone, une Pomone, les vestiges assez ordinaires, flatteurs tout de même pour l’intérêt de clocher d’une petite cité docile à l’influence de la Rome impériale, à ce point que, de nos jours, les souvenirs et les costumes romains reparaissent jusque dans ses fêtes locales.
Stoffel, chose curieuse, n’a pu se tenir, en dépit de ses ingénieuses reconstitutions, d’exprimer ses scrupules et de réserver la part de l’avenir dans la solution qu’il proposait : « Quel est, écrivait-il dans le Moniteur, le choc formidable, ignoré de l’histoire, dont a été témoin ce sol [d’Alaise] tout couvert de ruines, de retranchements, de vestiges de castramétations ? … Les fouilles opérées jusqu’à ce jour n’ont pas encore permis de résoudre la question. »
Le duc d’Aumale terminait également sa retentissante Étude sur la septième campagne de Jules César par des réserves qui sont à son honneur. Plus tard, devenu commandant du 7ème corps à Besançon, il voulut, dit-on, parcourir avec son état-major la région d’Alaise et il ne craignit pas de proclamer que s’il avait vu ce cadre hypothétique d’une épopée nationale entre toutes, il n’aurait peut-être pas écrit son célèbre article de la Revue des Deux-Mondes ou, du moins, il aurait modifié le ton de ses observations.
M. Jullian lui-même, dans une note de son Vercingétorix, n’a pas hésité à se priver héroïquement de l’argument cher à ceux que mon éminent ami, M. G. Colomb, appelle les pontifes fouisseurs et à déclarer à peu près inutile dans l’espèce le témoignage du sol : (11) « Dans tout l’exposé qui précède, dit-il (page 394), comme dans tout le récit, je n’ai pas voulu tenir compte des fouilles faites autour d’Alésia ; j’estime que l’on peut se passer de leurs résultats pour expliquer et comprendre le texte de César, le duc d’Aumale et bien d’autres l’ont prouvé (!!!). »
C’est que l’énigme de la marche de César franchissant les extrêmes frontières des Lingons pour se diriger vers la Séquanie ou en Séquanie domine toute la question d’Alesia.
Il allait à Genève, a dit Quicherat, et M. Jullian n’a pas jugé l’hypothèse absurde. Les textes concordants de Plutarque et de Dion Cassius semblent bien indiquer qu’il rencontra en Séquanie Vercingétorix accouru à l’improviste en trois étapes ou en ayant adopté un triple ordre de combat, ce qui est plus malaisé à justifier. Quoi qu’il en soit, l’Est seul offrait au généralissime gaulois vaincu, mais décidé à tenter une suprême résistance, une route assez accidentée pour arrêter l’adversaire, avec, au bout, un nid d’aigle facile à garder, bien défendu par la nature, un centre important de population puisqu’on trouve dans la région la trace d’habitations très anciennes et d’innombrables tumuli, ramenés à tort, et un peu a priori, à un type uniforme par un archéologue pressé. Il y avait là, évidemment, une position de premier ordre, commandant un des débouchés du Jura vers Genève et l’Allobrogie, comparable à Gergovie, où l’infanterie d’élite des Arvernes pouvait espérer une revanche du Destin et qui devait être connue de Vercingétorix.
Sans doute, il n’atteignit pas ce refuge providentiel sans difficulté et les Commentaires disent qu’il sacrifia (12) trois mille hommes, probablement au passage des rivières.
Une Alesia séquanaise n’est donc pas une supposition aussi chimérique qu’on l’a prétendu à la légère en se basant sur certaines imaginations de Delacroix, que je repousse radicalement pour ma part. Elle est à chercher, mais dans un tout autre esprit que lui.
Les néo-alisiens ont, dans l’intervalle, modifié leur tactique et adopté un genre de démonstration tout à fait commode. D’après eux, les Commentaires sont un livre politique,  qu’il est licite de traiter cavalièrement. Quant aux auteurs anciens qui les corroborent, ils ont obéi à la raison d’État, à la « religion des Jules », servilement répété, sans le contrôler, le récit du vainqueur des Gaules.
Où donc a-t-on vu que César avait exagéré les faits ? Je ne m’en suis pas aperçu. Par exemple, César raconte qu’il serait venu à bout, sans dommage pour ses légionnaires, de 440 000 Germains, chiffre dont se gaussent les lecteurs superficiels des Commentaires. Comme me le disait récemment M. G. Colomb, dont on connaît la solide étude sur la guerre d’Arioviste, « la surprise des peuples de Zutphen ne fut pas une bataille, mais un massacre de gens désarmés et affolés, qui, pris de panique, se précipitèrent au confluent de la Meuse et du Rhin pour tâcher de se sauver. Et comme cette tourbe comprenait un combattant pour cinq femmes, enfants et vieillards, vous voyez ce qui a dû se passer dans l’eau. Il n’y avait pas plus de 70 000 combattants dans cette multitude et, sur ces 70 000, beaucoup étaient absents, un grand nombre retenus dans le camp de César et le reste désarmé. Dans ces conditions, il n’est (13) pas étonnant que César n’ait eu que quelques blessés. »
Les critiques dirigées contre les historiens grecs, dont la concordance avec le récit de César contrarie énormément les Alisiens, ne sont pas plus fondées. Ceux qui ont eu la curiosité de parcourir la copieuse bibliographie née du mémoire initial de Delacroix sur Alaise, n’ont pas oublié que Dion Cassius, si favorable à une Alesia franc-comtoise, et qui, - -affirmation capitale – place nettement en Séquanie le combat de cavalerie préliminaire, passa un mauvais quart d’heure. Un certain Rossignol, de Dijon, le traita, je crois, « d’ivrogne balbutiant ».
Or, aujourd’hui, une critique mieux avertie tend à réhabiliter ce témoin important, personnage auguste, confident des empereurs. L’historien Ferrero, dans le deuxième volume de son ouvrage sur la grandeur et la décadence de la puissance romaine, qui a adopté cependant le système d’Alise Sainte-Reine, sans l’avoir contrôlé, de son propres aveu, conclut en faveur de Dion en s’appuyant sur les remarquables travaux du professeur Micalella (1896) : « Il a été démontré, dit-il, à l’encontre de ce que pensent Heller et Bauchenstein, que Dion n’a pas suivi les Commentaires de César, mais un autre écrivain, dont la narration différait de celle de César sur des points importants et était souvent plus vraisemblable. »
La question d’Alésia, on le reconnaîtra, après cet exposé incomplet, apparaît assez éloignée d’une solution définitive et il est permis de rechercher, partout où les moindres indices appellent l’attention, les traces, parfois déconcertantes, de l’épopée lointaine, le dernier mot du secret jalousement gardé par le mystère des forêts (14) profondes où la paix de quelque monastère perdu.
Ainsi que je l’écrivais à M. Bérard, qui ne désespère pas de me rallier à son Izernore, César nous a laissé le champ libre pour imaginer des itinéraires ; élançons-nous donc sans crainte, chacun dans la voie qu’il aura jugée la plus rationnelle. Tant mieux pour celui qui aura le plus vite rencontré la vérité ou, ce qui est plus scientifique, l’ensemble de vraisemblances le plus imposant !  C’est de la généreuse concurrence des systèmes et des hypothèses que naîtra la lumière.
Pour moi, je persiste à entrevoir une Alésia vers l’Est, dans une direction qui pourrait être mais qui n’est pas forcément, je le reconnais, celle d’Alaise, et, sans négliger l’argument péniblement emprunté à quelques débris toujours contestables, à quelques pièces de métal qui ne suffisent pas à situer un événement (sic), je ne veux accorder ma confiance qu’à un faisceau de preuves parfaitement concordantes. Le tombeau de Childéric, à Tournay, recélait une quantité notable de monnaies romaines remontant au moins à deux siècles. Qu’est-ce que cela prouvait, je vous le demande, pour l’identification du monument et du personnage ?
L’archéologie est, à mes yeux, une science respectable mais auxiliaire et essentiellement contingente, fertile, on l’a vu par d’illustres exemples, en surprises et en illusions. Dans aucun cas, elle ne saurait être supérieure à la logique et au simple bon sens."

Noël AMAUDRU
Paris, Plon,
1908

© Danielle Porte


1 commentaire:

  1. Ce texte de Noël Amaudru est d'une étonnante actualité, il n'a pas pris une ride. Merci de nous faire connaître cet érudit éclairé,en avance de plus d'un siècle sur le conformisme, pour ne pas dire l'obscurantisme de la "communauté scientifique" qui nous impose contre toute logique,et même contre tout bon sens l'équation Alise = Alésia. Alors que le grand public est de plus en plus sceptique quant à cette prétendue vérité historique.

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