la Colline inspirée

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mercredi 10 décembre 2014

Fugues... sur le même thème


Fugues… sur le même thème 

En guise d’interlude avant de passer à des questions  beaucoup plus graves posées par l’actualité « Alésia », quelques récits de voyages.

Car nous avons voyagé, nous, les commis-voyageurs de l’Alésia jurassienne. Bien armés : micro, Guerre des Gaules, projecteur. Il suffit.

Ce fut donc d’abord Tours, lors de la réunion annuelle des cinq Rotary que compte cette ville, à l’initiative de Mme Brigitte Mauléon (boutique : VERT & BLANC). J’avais réussi à extorquer cette conférence à Franck Ferrand et à convaincre le troisième membre de notre trio de choc, François Chambon, l’« homme du Lidar », de monter depuis Lyon. Une seule date convenait à tous, ainsi qu’à l’Hôtel de Ville de Tours qui, vu la notoriété du conférencier, nous ouvrait sa grande salle : le mardi 4 novembre 2014.






Las ! cette date convenait bien, aussi, à la SNCF, qui trouvait bon d’y placer une de ses grèves à répétition, ainsi qu’à tous les organismes de transport : air, terre, mer, boutiques de vélo, de planches à voile et de patins à roulettes. Pas moyen de faire un pas hors de chez soi autrement que sur ses deux pieds. Qu’on disait !

Prévenue par la diligente amie qui me sert d’agenda et me garde en (vague) relation avec le monde actuel, j’en avisai Mme Mauléon. Changer de date ? Plus de salle ; plus de Franck. Maintenir ? Plus de train… Plus d’Alésia… Y aller en voiture ?  Kilométrage, embouteillages, vagabondages… dans une ville inconnue…

Brigitte Mauléon ne renonce jamais. Moi non plus. Il faut trouver une solution, même extravagante. Dans le genre : François pourrait monter en voiture jusque dans le Jura, moi-même ralliant Chaux depuis Grenoble ; être tous deux pris en charge par une Jurassienne-rotaryenne-amie ; gagner ensemble Paris, prendre au vol Franck Ferrand pour descendre avec lui jusqu’à Tours… Au nom d'Alésia, rien d’impossible ! Mais tout de même…

Mon cas ne pose pas de problème : il me suffit de partir la veille. François ? C’est pile ou face. Un seul train compatible avec ses horaires. S’il ne part pas ? Plus de Lidar ni de projections.

Quant à Franck, c’est le drame. Il quitte le Club des Arts, où il donne une conférence (la troisième de la journée) vers 17 heures, et devra attraper en moto-taxi le train qui part de Paris à 17h.32. Arrivée en gare de Tours à 18h57… la conférence débutant à 19h.30, ce risquait d’être un peu juste. S’il n’y avait pas de train ? Tout est prévu : Une voiture le cueillera à la porte de Châtillon et fera force de rames pour arriver à Tours et à temps.

Le 4 est là. François aussi ; juste la grosse demi-heure nécessaire à la préparation des projections avant le moment d’angoisse : Franck pourra-t-il attraper son train ? Et ce train partira-t-il ?

Le projecteur et l’écran installés, nous trompons l’attente en admirant… le plafond ! Ah ! quel plafond, celui de la Mairie tourangelle ! Versailles ou peu s’en faut. Franck ne sera pas dépaysé !






Le public entre déjà ; nombreux ; insouciant de nos affres. Il se montera en fin de compte, malgré la grève et la concurrence d’autres réunions, à 300 personnes. Beau total pour une ville qui n’est pas précisément concernée par la localisation d’Alésia ! Oui, mais… Si jamais…

Mieux vaut prévoir. 
Plan A : Franck arrive avec un retard de dix minutes : je commencerai par les invraisemblances d’Alise. 
Plan B : Franck arrive avec un retard d’une demi-heure : j’ajouterai la phase Napoléon III. 
Plan C : trois-quarts d’heure : je commencerai avec César et ses itinéraires possibles. 
Plan D : une heure… pourquoi ne pas embrayer sur le LiDAR et la comparaison des deux sites, en Lui laissant opérer un flash-back pour expliquer comment on en est arrivé à envisager le Jura ? 
Plan E : plus d’une heure : 3987 diapos du site, sur clefs USB, pour faire patienter la salle. Dans la fièvre, François remonte le diaporama initial en fonction des cinq plans...

Téléphone : « Mon train est parti ! »
......
Plus qu’à reprendre le diaporama dans l’ordre… après quelques Hosannah ! bien mérités par le Ciel. Frais comme un gardon, le héraut d’Alésia escalade l’escalier de marbre avec trois minutes d’avance… pour entamer sa quatrième conférence de la journée.

La suite ? Plus le temps de se concerter. L’improvisation de A à Z. devenue, au fil des conférences, une douce habitude. Par bonheur, la complicité du trio fonctionne bien…

Une heure et demie d’exposé avait été prévue… Deux heures et demie plus tard, un public jusque-là muet comme jamais vu – pas un cri, pas un chuchotement, pas même une petite toux… le rêve ! - s’ébroue enfin. Le charme avait opéré, une fois de plus.


Deux jours après : Reims, départ le 7 novembre, pour parler le 8 à 14h.30, au colloque du CESHE - Centre d’Études scientifiques et historiques ; en fait : un nom égyptien, les travaux statutaires privilégiant les thèses qui dérangent, dont la contestation de la traduction des hiéroglyphes telle qu’établie par Champollion.

Dans ce contexte, parler de la méthode d’André Berthier s’imposait comme une évidence. Le grand-père du Président, M. Jean-Charles Crémieux, n’étant autre que Raymond Lejeune, un des premiers pionniers des recherches d’André sur Chaux, la conjoncture lui avait soufflé l’idée de m’offrir un temps de parole sur ce sujet, devant une brochette de scientifiques, chercheurs, spécialistes en traitement du signal, astronomes, physiciens, géologues, tous Docteurs ès quelque chose. Mais nous étions en pays de connaissance : un de mes commensaux avait apporté un Vercingétorix à dédicacer, un autre m’entretint de la thèse Berthier durant tout le dîner…

Assistance recueillie, le lendemain, excellent accueil de tout l’amphithéâtre pour la thèse Berthier, exposée pour la première fois devant un parterre de grands cerveaux, si excellent que, prise par les explications à donner, hors salle, je laissai filer l’heure et me retrouvai, à 16h.30 pour un départ à 17h.15, adossée contre un grand mur nu, mon téléphone à la main. Panique. Aucun taxi disponible. L'heure tourne. Enfin une voiture « qui arrive tout de suite ». Il est 16h.40. Rien de rien à l’horizon. 16h.45. Je suppute déjà la nuit sur un trottoir parisien… 16h.50 : le Ciel fait sortir de la grande cour M. de Redmatten – auteur, le matin, d’un magnifique exposé sur les dernières analyses du Saint-Suaire –  « J’ai appelé un taxi, me dit-il ; pour tout de suite. Je vous dépose ? » Demandez à un aveugle… 

Un peu d’encombrement, et la fièvre qui monte avec – sans m’empêcher de saluer la Porte de Mars ! j’étais sur le quai à 17h.12. Un peu en avance, moi aussi.

En fin de compte, le plus gros problème de la promotion d'Alésia-Chaux, c’est celui des transports !

L’initiation à la thèse Berthier demandée par M. Gérard Extier à Collias (Gard), le 20 septembre, me vit atterrir en pleine feria de Nîmes avant le circuit des plus pittoresque amenant au lieu de la conférence : c’était à l’intention d’une association qui partait le lendemain pour Gergovie, Bibracte, Alise et Chaux (où j’étais, la semaine d’avant, pour faire visiter le site aux anciens Éclaireurs pilotés par Mme Michèle Gresset ainsi qu’au rédacteur de l’Est-Républicain !) J’y fus accueillie par… une de mes premières diplomitives en Sorbonne – le diplôme est l’ancêtre de la maîtrise – Luce Smits-Nogarède. Quand elle m’annonça qu’elle venait de prendre sa retraite, je dévalai, inconfortablement, la vertigineuse spirale du temps qui passe ! Le contestataire alisien prévisible était bien là qui, sans avoir écouté tout ce que je venais de raconter sur l’archéologie d’Alise, m’opposa, justement, l’existence in-dé-ni-a-ble d’un lacis de fossés autour du Mont Auxois, les trouvailles d’objets et l’unanimité de la Communauté scientifique.  Dompter son caractère volcanique est, dans ce cas-là, un exercice plus difficile que prononcer une conférence dans le noir, épreuve dont je sortais tout juste ! À ma grande surprise, j’y réussis.
Il n’est pas d’âge pour apprendre.

Et puis, et surtout : le film !
Diffusé sur la 2, dans « Secrets d’Histoire », le mardi 25 novembre en prime time

3 179 000 téléspectateurs auront entendu parler d’Alésia et peut-être appris qu’il y avait un problème. 2ème score d’audience après TF1 et meilleur score des émissions présentées par Stéphane Bern.

Secret fut-il à plus d’un titre. Depuis longtemps, Franck m’avait parlé du projet et confié qu’il y participait. J’eus l’honneur, bien plus tard, d’être contactée par le réalisateur, Roland Portiche, un quasi-sosie d’André Berthier. Il souhaitait ma participation, sans qu’on le criât sur les toits, car il fallait redouter une obstruction des historiens alisiens ou des puissances bourguignonnes. Comment évoquer César sans parler d’Alésia ? il avait donc résolu de le faire, fût-ce pour peu de temps, et de m’interroger sur trois ou quatre autres aspects de César : les Lupercales, la tentation de l’hybris et l’amour du défi, Brutus… il y aurait des Alisiens, bien sûr…

Le repérage fut opéré sur le site le jeudi 29 mai en compagnie de mes fidèles, comme j’aime à les appeler, qui, parfois, deviennent ma « garde rapprochée ». Nous voici, au belvédère de l’arx, dit « de Vercingétorix » car, si Alésia fut bien ici, lui y était à coup sûr, dominant la plaine de Syam sur la gauche et voyant, à l’aplomb du village, le camp Nord qui fut la clef du dernier épisode : si Vercassivellaun et ses Gaulois s’emparaient de ce camp, ils pouvaient dégringoler droit sur « Syam » et se trouver ipso facto à l’intérieur des lignes romaines que devait attaquer Vercingétorix depuis l’oppidum, tandis que Viridomar et Éporédorix les attaqueraient sur l’extérieur. 

Nulle part ailleurs qu’à cet endroit ne peut-on comprendre exactement la stratégie parfaitement mise au point par les Gaulois. Si la coordination eût été respectée, l’armée romaine, assaillie sur trois fronts et par cette marée d’hommes, était promise à l’anéantissement…



Le tournage proprement dit eut lieu le samedi 5 juillet, dans la bonne humeur et l’écurie grand luxe du XIVème siècle, gentiment ouverte aux cinéastes par Josette Macle, choisie par le cameraman à cause des murs en pierre de taille qui fournissaient un fond « antique » pour les séquences César, et au belvédère du Vaudioux pour la vue sur le site. J’expliquai ce dernier sur la carte en relief de Maryse Hugon, à Jacques Blondeau qui le connaît à fond puisqu’il y guide nos visiteurs, tandis que Thierry Séguy, de Foncine, s’usait les bras à tenir l’écran réflecteur – oui, au bout de huit ou dix répétitions de la même séquence, on fatigue !





















J’appris en lisant l’annonce de la diffusion, qu’avait participé au film la quintessence des historiens alisiens du moment, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, Vincent Guichard, archéologue à Bibracte, Claude Grapin, conservateur du musée d’Alise, Paul-Marius Martin, spécialisé sur César et plus récemment sur Alésia, plus Jean-Noël Robert, des «Belles Lettres », Filippo Coarelli, la référence absolue en matière d’archéologie, Luciano Canfora, auteur d’un récent César, et, inattendue, Irène Frain. Mes dignes collègues durent grimacer en voyant mon nom autant que je soupirai en lisant les leurs…

Que dire du film ? On peut regretter les anachronismes (l’éruption du Vésuve, les orgies de la Rome de Juvénal (IIème siècle ap. J.-C.) ou le Colisée n’ayant que peu à voir avec la République césarienne ; mais, bon !... à des télespectateurs qui ne connaissent de l’Antiquité romaine que les poncifs, il faut bien donner ce qu’ils attendent… « J’aime que le peuple soit content ! » C’est bien le César d’Astérix qui le dit, non ?

Restons à Alésia : la nôtre l’emporte au finish, comme cent voix ou plumes, pas toutes jurassiennes, s'en faut, me l’ont dit ou écrit, peut-être à cause de l’engagement de ses défenseurs, Franck portant l’estocade en évoquant l’importance de la référence Alésia = 52 av. J.-C. pour la datation des matériels archéologiques, moi abritée derrière mon César dépenaillé à force d’être lu ; peut-être à cause de la vérité césarienne et de la beauté de nos paysages. En tout état de cause, c’est la première fois qu’un film abordant la question d’Alésia fait la part égale entre les deux sites rivaux.

On regretta que je n’aie pas évoqué la métropole religieuse, je regrettai de ne pas avoir pu répondre sur statères d’or et fossés exigus à Claude Grapin – l’actualité brûlante va me le permettre dans les jours qui viennent mais, quoi ! il m’était accordé trois points qui à mon sens prouvaient Alésia chez nous, pas un de plus ; et se lancer dans la critique d’Alise aurait duré bien plus longtemps que les 2 minutes 17 imparties à l’épisode final de la guerre des Gaules – déjà bien heureux que Roland Portiche ait eu l’audace de parler d’Alésia, qui occupa un mois de vie pour César, la bataille de Pharsale, où sa victoire sur Pompée lui ouvrit le pouvoir à Rome, revêtant une autre importance.

Je regrette seulement l’intervention finale de P.-M. Martin, dont je connais la conviction intime, qui crut renvoyer les adversaires dos à dos en affirmant qu’il ne pouvait exister deux batailles d’Alésia… Sous-entendu : que la sacro-sainte archéologie cautionnait la bonne. Oh ! si, il en existe deux… la vraie et la fausse. S’il est vrai que les 4 couches de cendres et les monnaies qu’elles livrèrent attestent 4 sièges et 4 destructions d’Alisija-Alise (au fait, il est curieux que la série des monnaies représentées dans le livre de Michel Reddé s’arrête à 54 av. J.-C. en ignorant les impériales !) il faudrait effectuer un tri sérieux parmi l’écheveau des fossés qui cernent, de très loin, le Mont-Auxois ; peut-être à partir des types d’armes qu’on y retrouva, disparates au possible, en âge comme en provenance ? et concéder que dans une plaine marécageuse comme l’est celle qui entoure Alise, les fossés profonds de 10 cm, et même ceux de 30 sont tout bonnement des rigoles de drainage…

Mais, hélas ! aux yeux des Alisiens, le mot « concéder », même l’évidence, n’est pas un mot français…
























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