la Colline inspirée

la Colline inspirée

mardi 5 janvier 2016

les Cartes sont sincères...



les cartes sont sincères…
et ne mentiront pas

C’est du moins ce que chante Carmen. La réalité est moins rose…

L’image qu’on adjoint à un texte est censée le compléter, le corroborer, en donner une compréhension immédiate. Un bon dessin vaut, dit-on couramment, un long et filandreux développement.

Mais, de plus en plus envahissante, elle tend, de nos jours et sur certains sujets, à s’émanciper du texte ; à le mettre à l’écart, voire à le remplacer purement et simplement.

D’où le danger prévisible : séduit par l’image, le lecteur en oublie le texte. Ses yeux enregistrent immédiatement ce que son cerveau met parfois bien du temps à  comprendre, puis à assimiler. Dès lors, tout ce que dit l’image est vrai, puisque sans comparaison possible, ni confrontation. Et si c’est faux, seule une recherche et une vérification complémentaires pourront en faire la preuve. Paresse, manque d’intérêt ou de temps : on accède rarement à cette étape ; c’est si facile, si tentant d’avaler un plat tout prêt…  

On sacrifie, ces derniers temps, à la facilité. Pis : on a banni officiellement l’étude du latin et du grec. Qui pourra, maintenant et à l’avenir, opposer les textes antiques aux fallacieuses reconstructions alisiennes ? De moins en moins de monde. Complice intéressé du dogme, le jeune Ministre de l’Éducation Nationale [1] se sera fait, entre autres choses, le fossoyeur d’Alésia.

On assiste donc, révolté mais impuissant, à la captation qu’opère la carte d’une « vérité » qu’on a d’abord extirpée des textes et savamment tordue, puis à la consécration de son résultat mensonger. L’image a remplacé le mot, un dessinateur, de mauvaise ou de bonne foi, s’est fait César.

Le plus récent exemple – qui mieux est, le plus beau, comme les chants désespérés – se trouve dans le numéro 12 de la revue Histoire et civilisation, héritière de National geographic, 2015, avec la carte qui illustre un article de Yann Le Bohec (décidément !) intitulé la Guerre des Gaules, comment César a gagné, p. 22-33.

Et c’est proprement hallucinant. Je dirai, sans plaisanter, qu’on n’a jamais fait mieux dans le genre. Et pourtant, des sottises alisiennes, j’en ai lu un bon nombre ! 

L’article de Y. Le Bohec n’est qu’une énième reprise de ses écrits antérieurs, au mot près souvent, nourrie de généralités sur l’armée romaine, et ne traite aucunement la stratégie de César autour d’Alésia, ce que, à l’évidence, nous attendions… Il faut bien se contenter de la carte, c’est-à-dire d’un casse-tête chinois, qui commence par l’inversion, chère à Y. Le Bohec, entre la contrevallation et la circonvallation. Nous emploierons, nous, les désignations traditionnelles pour ne pas conduire au suicide ceux qui connaissent la question d’Alésia.

La carte est attribuée à Peter Dennis, Osprey publishing. A-t-elle été réalisée selon les indications de Yann Le Bohec ? On s’en voudrait de croire que oui.
Mais le dessinateur n’a pas œuvré, on l’imagine bien, de son propre chef, étant requis de conformer son illustration à des indications tirées de la Guerre des Gaules, livre VII, surtout des chapitres où César décrit par le menu la succession des opérations menées par Vercassivellaun lors de la fameuse attaque du camp Nord ; donc, données par l’auteur du chapitre qu’il illustre. Il est néanmoins conseillé à tout lecteur qui désirerait comprendre quoi que ce soit, quand il aura mis devant lui le texte, latin ou français, du B.G. et la carte d’Histoire et Civilisations, de prévoir un tube d’aspirine. Deux seraient d’ailleurs mieux indiqués.

Le contexte, B.G., VII, 83-89, est bien connu. Désespérant d’emporter les fortifications établies en plaine, les chefs de l’armée de secours gauloise élaborent une manœuvre de diversion et vont essayer de contourner les positions de plaine en passant par la montagne qui les surplombe. Le cousin de Vercingétorix, l’Arverne Vercassivellaun, prend la tête de 60000 hommes et les conduit « derrière la montagne », post montem, en un endroit où ils pourront, dissimulés, se reposer de la marche nocturne qui les y a amenés et attendre midi, heure convenue pour le signal de l’attaque. Cette attaque vise le camp Nord, que César a établi pour barrer un col qui aurait pu permettre aux Gaulois un accès à ses camps de plaine, par le haut.

Et il avait vu juste : c’est autour de ce camp que vont s’orchestrer les mouvements de la dernière chance, vers lui que vont tendre les efforts de 60000 Gaulois contre ses 12000 légionnaires, vers lui qu’il va devoir envoyer en plusieurs fois des cohortes nouvelles avant d’intervenir en personne et en grande tenue, pour, comme on dit, « emporter le morceau ».

Tout s’est décidé au camp Nord et il l’écrit : « Vient à l’esprit, des deux côtés, que c’est le seul et unique moment où il faille se battre à outrance » ; nous dirions : c’est le moment où jamais ! « Les Gaulois désespèrent de s’en sortir s’ils n’enfoncent pas les retranchements ; les Romains espèrent la fin de leurs épreuves s’ils réussissent à les en empêcher. » (VII, 85)

L’action est donc concentrée tout entière au Nord et en haut. Textes :
« Ils apprennent de ceux-ci (= les locaux) l’emplacement des camps des hauteurs (superiorum castrorum) », § 83.
 « Il y avait, au Nord (a septentrionibus) une montagne » laissée en dehors de la circonvallation, où « le relief  avait obligé à construire un camp en un lieu presque inadapté et légèrement en pente », § 83. Cette pente qui, au §   85, va « jouer un grand rôle ».
« Les Gaulois entreprennent d’escalader les abrupts » (loca prærupta ex ascensu temptant), § 86.
Et surtout : « On peine particulièrement aux fortifications d’en-haut (ad superiores munitiones) là où l’on avait envoyé Vercassivellaun », § 85. « César envoie Labiénus, avec 6 cohortes, au secours de ceux qui flanchent », § 86 ; et enfin : « Il se dirige en hâte à l’endroit où il avait envoyé Labiénus », § 87. 

C’est sans équivoque : le camp où se déroule l’action suprême est en hauteur, hors des lignes, en pente, au Nord. C’est là que les chefs ont envoyé Vercassivellaun, là, donc, que César a envoyé Labiénus, et il va se diriger lui-même « à l’endroit où il avait envoyé Labiénus » : c’est, même pour des aveugles et des simples en esprit, le même endroit. Ce qui, entre parenthèses, n’arrête pas les Alisiens qui, pour parer à l’attaque du Réa, au Nord-Ouest, font attaquer par les Gaulois la montagne de Flavigny, au Sud. Le danger est extrême au Nord, on y pourvoit en attaquant au Sud [2]. Bien dans l’esprit gaulois, cela…

Voyons donc la carte qui illustre ce grand moment.

On a peine à en croire ses yeux : le camp Nord est au Sud-Est !


partie supérieure gauche : Alise-Sainte-Reine
aboutissement des flèches : le camp Nord 
(flèches vertes : les Romains ; flèches mauves : les Gaulois)


Une minute de silence, pour honorer cette trouvaille unique. On avait l’habitude du mépris avec lequel les Alisiens traitent les textes, quand ils ne les ignorent pas purement et simplement. Mais là, oui, là, ils ont fait fort !

Après s’être pincé plusieurs fois, avoir avalé en hâte quatre grains d’ellébore dans un grand verre d’eau et prononcé quelques conjurations réputées efficaces, tel le bescu bescu berebescu [3] des incantations latines archaïques, on se penche de nouveau sur le prodige [4], afin de désiller ses yeux. En vain,  rien n’a changé. Leur Nord est toujours au Sud-Est.

Comme la forme du Mont-Auxois est, elle aussi, singulière, le nez pointu se trouvant à droite au lieu d’être à gauche, euréka ! C’est que l’imprimeur a dû inverser la mise en page… pour la carte, les définitions restant dans le bon sens ! et ce détail montre qu’il ne s’agit pas d’une simple bourde de typographie.

Retournons la revue – avec l’inconvénient qu’on rencontre de devoir lire les explications à l’envers – rien ne s’arrange pour autant. Comme aucun nom n’est écrit, ni celui des rivières, ni celui des collines, on peut prendre la carte dans tous les sens. Qu’on ait perdu le Nord, à Alise, on le savait déjà. Mais avec cet article, la chose est confirmée.

Jusqu’ici, les Alisiens se tiraient de leur fâcheuse situation (leur camp Nord se trouvant au Nord-Ouest) en se retranchant derrière l’incapacité supposée du latin à spécifier les points cardinaux intermédiaires, allant même jusqu’à prétendre que le Nord  allait du Nord-Est au Nord-Ouest. Ce point de vue, énoncé par M. Reddé [5] a été repris et exagéré par C. Grapin, jusqu’à l’absurde : «  Sans précision de ce type, le nord désigne donc un secteur qui va du nord-est au sud-ouest inclus [6] »…
Cassoulet de Castelnaudary, bêtises de Cambrai, c’est du pareil au même.

De ce fait, selon Jean-Louis Voisin, il faut décaler sur la droite toutes les collines autour d’Alise : « Au nord-ouest le mont Réa, au nord la montagne de Bussy, à l’est le Pennevelle, au sud-est la montagne de Flavigny, au sud-ouest le Purgatoire [7]. » Ce décalage d’un cran chaque fois sous-tendait déjà la démonstration de J. Harmand [8], qui voyait la bataille du camp Nord se dérouler sur la montagne de Bussy, au Nord-Est. Dès lors, rien ne va plus, puisque chaque colline n’est plus à sa place géographique !

Mais au Nord, rien de nouveau…

Y. Le Bohec tranche donc résolument le nœud gordien en transportant le Nord au Sud-Est. Original, assurément. S’agirait-il d’un canular ? D’un poisson d’avril en avance ?

Au sortir d’une forte migraine et de la gymnastique forcée qu’entraîne l’obligation de tourner et retourner la revue pour lire les explications dans un sens et la carte dans l’autre, prenons Histoire et Civilisations à l’envers, pour que le Nord soit bien au Nord… enfin, au Nord-Ouest. Mais tout n’est pas pour le mieux :

- Il est dans la plaine, pas sur les hauteurs ; au bord d’une rivière (l’Oze ?).
- Il est englobé dans la circonvallation, ce qui contredit formellement César, selon qui le périmètre excessif de la colline Nord avait empêché de l’inclure dans les lignes (Erat a septentrionibus collis quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri, § 83). L’avantage est de pouvoir justifier les 21 km de la circonvallation, sans quoi pareille longueur pour entourer les 6,5 km que représente le tour d’Alise serait ridicule.
- En principe, des fortifications sont censées protéger des camps, et doivent donc les entourer. Ici, le camp de plaine qui subsiste et celui de Flavigny sont installés en-dehors des retranchements, directement exposés à l’arrivée de l’armée de secours, ce qui est une aberration militaire. En revanche,  des castella (on suppose) sont disposés bien régulièrement entre les deux lignes, eux qui doivent servir d’avant-postes aux camps et servent, ici d’arrière-postes, autant dire ne servent à rien.
- pas l’ombre d’un camp dans la plaine des Laumes, là où devrait camper, en bonne logique, le gros de l’armée romaine et où se déroulent tous les combats (§ 70 : « dans la plaine de 3000 pas » ; § 73 : sortie des Gaulois et travaux supplémentaires dans la plaine ; § 79 déploiement de la cavalerie des alliés dans la plaine de 3000 pas ; § 80 : combat de cavalerie dans la plaine, suivie depuis tous les camps des hauteurs etc.)
- Au-dessus du camp « Nord » s’allongent dans la nature d’interminables fortifications qui doivent relier les camps des hauteurs, à cela près qu’il n’y a pas de camp, tout comme, d’ailleurs, à l’Est. On aimerait savoir à quoi elles pouvaient bien servir, puisque le camp est en bas… Salle de bal pour occuper les légionnaires désœuvrés [9] ?
- En prime, les 3,500 km qui séparent le mont Auxois des collines alentour se sont miraculeusement réduits, la montagne de Flavigny surplombant directement l’Ozerain dont 3,200 km la séparent en réalité.
- Si on lit la revue à l’endroit, avec la carte à l’envers, Vercingétorix déclenche une attaque depuis la ville d’Alésia, alors que ses troupes occupent tout le plateau et l’arrière de la colline, c’est-à-dire à l’Ouest, en contradiction avec le § 69 : « Sous le rempart, les troupes gauloises avaient rempli toute la partie de la colline qui regardait vers l’Est. »
 - Si on tourne la revue à l’envers pour lire la carte à l’endroit, les troupes sont bien cantonnées à l’Est ; mais, puisque, là, il n’y a pas de Romains à l’horizon,  elles doivent se tourner les pouces pendant que leur chef, du côté opposé, descend les falaises sous la ville pour attaquer – avec quels soldats ? – la contrevallation. Pour l’atteindre, il doit franchir ce fameux grand fossé de 6 m de large qu’on a dessiné sans le nommer, (ce doit être le double trait bleu qui rejoint les deux rivières), et parcourir les quelque 700 m qui le séparent des palissades romaines (là où César a indiqué 120 m, mais on n’en est plus à cela près).

Soit, donc, cette carte est une hérésie typographique, soit, si elle doit représenter la conception que se fait l’auteur de l’épisode du camp Nord, elle suscite de sérieuses interrogation sur… disons, le bon sens (en l’occurrence, le mot s’impose !) de celui qui l’a forgée. Et le risque est grand qu’un lecteur novice ne prenne comme l’expression de la réalité cette monstruosité historico-géographique.

                                                         ***
Une carte de même facture était publiée par Jean-Louis Voisin dans le Figaro-Histoire [10]. Cette fois-là, c’était… à l’endroit ! À retenir surtout la phrase de la notice 7 : « César galope avec quatre cohortes à l’autre point sensible, au pied du mont Réa ». Bien la peine que César eût parlé de la montagne Nord extérieure aux lignes et du camp qu’on y installa au sommet, ce camp « supérieur » qu’a attaqué Vercassivellaun et où les Romains plient ! Le voilà dégringolé au pied du Réa…

On sait, on sait : « César fut un des plus grands menteurs de l’histoire [11] », mais les Alisiens, apparemment, ne sont pas en reste…

J.-L. Voisin a adopté, lui, l’hypothèse selon laquelle les praerupta ne sont pas les abrupts montant au camp Nord (ce camp est en bas et quant aux abrupts…) mais ceux qui supportent la montagne de Flavigny, où César envoie le jeune Brutus pour défendre la contrevallation qu’attaque un contingent d’assiégés, avant de rétablir lui-même la situation, puis de partir au camp Nord (§ 86-87).

Cette interprétation, toutefois, rencontre quelques difficultés :
- César aurait précisé qu’il traitait deux fronts de bataille  au lieu de centrer toutes les opérations au camp Nord, qu’il cite en premier comme point essentiel des mouvements qui vont suivre, et mentionné que les grimpeurs visaient son propre camp [12]. On imaginerait même que, voyant cette horde d’enragés grimper à l’assaut de son camp, il serait venu tout de suite le défendre au lieu de se contenter d’y envoyer Décimus Brutus avec « des cohortes » en allant lui-même visiter les autres fronts en péril.

- Le déroulement des opérations est chaotique :
notice 5 : une partie des forces assiégées attaque le camp du Réa ;
notice 6 : le gros des troupes assiégées attaque la montagne de Flavigny ; en pareil cas, les Gaulois n’ont pas l’idée de coordonner les attaques de l’intérieur et celles de l’extérieur pour prêter main forte à l’armée de secours, ce qui désorganise toute la stratégie prévue. Les fortifications de plaine résistent : que ne font-ils le forcing pour y ouvrir une brèche, déjà presque ménagée par Vercassivellaun ? 
notice 8 : Vercassivellaun ne trouve rien de mieux que de se réfugier sur l’oppidum. Là, on ne comprend plus. En outre, si les soldats de Vercassivellaun et les assiégés remontent sur l’oppidum, déjà dix fois trop exigu pour contenir la ville et les hommes de Vercingétorix, même si les 60000 Gaulois de Vercassivellaun ne sont plus aussi nombreux, on va refuser du monde sur le mont Auxois !

César n’a jamais divisé en deux parties les attaques gauloises, une sur le Réa, une sur Flavigny. Depuis qu’il a mentionné l’existence du camp Nord comme nœud de l’affaire et signalé que le point crucial où les Gaulois furent à deux doigts de vaincre se situait là, « aux fortifications des hauteurs » il est clair que les efforts des assiégés portent sur la contrevallation au-dessous du camp Nord, où ils vont ouvrir la brèche qui va leur permettre l’« escalade » vers le camp Nord, tandis que les hommes de Vercassivellaun attaquent le camp Nord lui-même qui sera donc pris en tenaille.

Si l’on considère l’hypothèse de l’Alésia jurassienne, on comprend que César ait mobilisé le gros de ses troupes sur ce front, puisqu’il s’agit d’empêcher les Gaulois déjà vainqueurs et cinq fois supérieurs en nombre, de descendre sur Syam et d’investir les camps de plaine qu’ils n’ont pu atteindre ni par l’intérieur ni par l’extérieur.

Mais comme cette « escalade », cette « descente » et ces « pentes » n’existent pas dans l’hypothèse Alise, force est de les trouver quelque part et l’on dissocie l’attaque du camp Nord en dérivant une partie des troupes sur Flavigny.
 
- Notons aussi que les Gaulois du camp Nord durent avoir du mal à voir « les pentes que descendait César », § 88, puisque ce dernier a fait le tour de ses retranchements par la plaine et n’a donc rien à descendre. Si ce sont les pentes de Flavigny, ils ne peuvent le voir, séparés qu’ils en sont par la colline d’Alise.
                                                                        ***
Solution drastique au problème du camp Nord et du Réa : le colonel Alain Deyber considérait déjà que toute la bataille finale se déroulait dans la plaine… C’est évacuer le problème… manu militari !  

Goûtons : « Apercevant César en train de se porter entre les lignes, face à la plaine des Laumes, avec quelques cohortes de renfort et ses auxiliaires germains, ces troupes passives quittèrent le champ de bataille pour s’en retourner dans leurs cités [13]. » Et voilà toute la bataille du camp Nord ! voilà le contournement de la montagne par Vercassivellaun dont le nom n’est même pas écrit ! L’armée de secours a attaqué « la contrevallation dans la plaine des Laumes », Vercingétorix « lance ses propres troupes à l’assaut de la circonvallation », et César fonce - à travers son camp ? – vers la plaine des Laumes : tout s’est donc passé en bas alors que nous devrions être en haut, et César va s’empoigner avec… l’armée de secours, le camp Nord n’existant nulle part dans ce récit. Et le même silence sur : « des hauteurs que les Gaulois occupaient on voyait les pentes que descendait César ». Quelles pentes peut-il descendre, s’il est dans la plaine ? Comment les Gaulois du camp Nord, lui aussi au pied du Réa, peuvent-ils être placés « sur les hauteurs » ? Mystère d’un bout à l’autre !

On comprend les prudentes reculades des autorités archéologiques sur le camp du Réa, abandonné ainsi que les armes retrouvées dans son ex-fossé transformées en dépôt votif… Plus de Réa, plus d’armes ni de monnaies = plus d’Alise-Alésia… Aussi tant J.-L. Voisin que Y. Le Bohec ignorent-ils cette dernière interprétation, et donnent des événements du dernier combat des cartes bizarrement orientées, dépourues d’indications de lieux et d’un flou résolument artistique.

Le pire étant encore la carte à l’envers, la meilleure solution, et la seule, à mon sens, est que la revue Histoire et Civilisations présente ses excuses dans un prochain numéro, et publie une carte admissible.

Ira-t-elle jusqu’à consacrer un chapitre à la version Chaux-des-Crotenay de l’événement ? Il y faudrait un certain courage. J’en fais la demande, mais rien n’est moins sûr…


©     Danielle Porte

Il y aura d’autres cartes, antérieures, à examiner, qui placent les Lingons selon le bon plaisir des Alisiens. Ce sera l’objet d’un prochain article.



[1] Le Ministre en question est une dame, Najat Vellaud-Belkacem. Puriste, je n’écrirai pas « la » ministre, pas plus que « la fossoyeure » ou « la fossoyeuse », au choix des barbares.
[2] L.A. Constans, éd. du B.G., 1995, t. 2, p. 276, n. 1, sur le texte : « les Gaulois… tentent l’escalade des hauteurs » : « Vraisemblablement la montagne de Flavigny » ; alors qu’il a commenté « le danger est  surtout grand aux fortifications de la montagne où nous avons dit qu’on avait envoyé Vercassivellaunos » par : «  Cette montagne est le Mont Réa » (p. 275, n. 1.).
[3] Équivalent latin de notre abracadabra.
[4] Les anciens Romains disaient en ce cas : monstrum.
[5]  Alésia, l’archéologie face à l’imaginaire, 2003, p. 106.
[6]  « Le témoignage de César », dans Archeologia, h.s. 14, 2012, 20-23, p. 22.
[7] Alésia, un village, une bataille, un site, 2012, p. 58. La réalité géographique veut que la montagne de Bussy soit au Nord-Est, le Pennevelle au Sud-Est et la montagne de Flavigny au Sud.
[8] Une campagne césarienne, Alésia, 1967.
[9] Pourtant, l’ensemble des travaux dépassait les possibilités humaines, Velléius Paterculus l’affirmait déjà.  Bernard Gay conclut ainsi son étude de la faisabilité des travaux romains sous Alésia : « Soit César a distribué à ses hommes la potion magique d’Astérix, soit il n’a réalisé que la moitié du périmètre défensif prévu et les armées gauloises se sont sottement acharnées à monter à l’assaut des seuls secteurs terminés, soit cette bataille ne s’est pas déroulée à Alise-Sainte-Reine sous le mont Auxois ! » (« le Treizième travail d’Hercule », p. 221-228 de l’ouvrage collectif Alésia, la Supercherie dévoilée, 2014, p. 226).  
[10] N° 3, 2012, p. 62-63.
[11] Y. Le Bohec, « Comment on devient César », dans le Figaro-Histoire, 3, 2012, 48-51, p. 50.
[12] Lui-même est ailleurs. La notice 6 indique que la contrevallation est défendue par Décimus Brutus ; César l’y a envoyé avant de s’y rendre lui-même.
[13] A. Deyber, « Alésia : la bataille décisive », dans le Nouvel Ovservateur, h.s.78, la Vérité sur les Gaulois, 2011, 50-52, p. 52. 

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